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Actualités

le 18 novembre 2019

Adapter l’immeuble au vieillissement de ses occupants

 

Faciliter les travaux d’accessibilité dans les copropriétés pour les seniors.

 

 

La France vieillit.

Ce phénomène, bien connu, convoque dans son sillage le sujet de la perte d’autonomie des personnes âgées qui concerne chaque famille.
Et faut-il le rappeler, le «bien vieillir» à domicile correspond à une attente prioritaire de nos aînés, récemment mise en lumière lors de la concertation citoyenne «Grand âge et autonomie».
Ces évolutions majeures de la société sur le plan démographique et sociétal nécessitent d’apporter de nouvelles réponses dans la conception et la gestion des immeubles en copropriété, que les pouvoirs publics entendent aujourd’hui accompagner.

N’en déplaise au Général, la vieillesse n’est pas forcément un naufrage.

Verbatim
«Nous ne pouvons plus fermer les yeux. Le mur est trop proche et demain il sera trop tard».
(Discours de la ministre Agnès Buzyn lors de la remise du rapport Libault en mars 2019).

 

Un vieillissement de la population française déjà à l’œuvre

 

A.- Espérance de vie en France : 85,3 ans pour les femmes et 79,5 ans pour les hommes

C’est inéluctable, les prochaines décennies seront marquées par un vieillissement important de la population française du fait de la conjonction de deux facteurs. D’une part, l’arrivée à des âges élevés des générations nées durant le baby-boom et, d’autre part, l’allongement de l’espérance de vie dont bénéficieront toutes les générations.

Selon les derniers chiffres établis par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), l’espérance de vie à la naissance en 2017 est de 85,3 ans pour les femmes et de 79,5 ans pour les hommes.

Si l’augmentation de l’espérance de vie est une bonne nouvelle en soi, le vieillissement se vit bien sûr différemment selon qu’il s’accompagne ou non d’une perte d’autonomie. En effet, les années gagnées ne riment pas toujours avec une bonne santé. La DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques attachée à plusieurs ministères) estime qu’en 2015, environ 1,4 million de personnes de plus de 60 ans vivant à domicile étaient en perte d’autonomie.  

 

B.- De 13,1 millions de seniors en 2018 à 21,9 millions en 2070

En 2018, l’hexagone comptait : 13,1 millions de personnes de 65 ans ou plus, soit un habitant sur cinq (source Insee).

Et la France va continuer à vieillir d’ici à 2070. Si les tendances démographiques récentes se poursuivaient, elle pourrait compter 21,9 millions de seniors en 2070 d’après le scénario central des projections de population, soit 29 % de la population.

Néanmoins, la part des jeunes seniors (65-74 ans) devrait être quasiment stable et celle des plus âgés (75 ans ou plus) augmenterait.

 

 Le logement et son environnement : clés de voute du bien vieillir

 

A.- Une priorité affirmée au maintien à domicile

Une concertation citoyenne de grande ampleur, sur le thème « Grand âge et autonomie», a été menée récemment sous l’égide du ministère des Solidarités et de la santé. Il en ressort, sans surprise, une priorité pour les Français au maintien à domicile (Rapport Libault, 28 mars 2019). On ne saurait leur donner tort.

Par symétrie, ils n’envisagent pas de vivre en établissement pour personnes âgées : résidence autonomie, maison de retraite ou encore établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. L’entrée en institution est vécue, bien souvent, comme un déracinement, une rupture difficile sur bien des plans, susceptible d’entraîner une dégradation rapide de l’état physique et psychique des personnes, déjà fragilisées.

Le maintien à domicile apparaît comme une façon de préserver une sphère d’autonomie et de liberté (rythme de sommeil, alimentation, présence d’animaux domestiques, etc.), voire de choisir les conditions de son existence jusqu’au dernier moment. Il permet, également, de limiter les coûts de la prise en charge par rapport à un établissement, en tout cas pour les personnes les plus autonomes.

Et pour un logement en copropriété, la mixité sociale et intergénérationnelle de l’immeuble peut favoriser la création de liens entre les individus et permettre, par voie de conséquence, de lutter contre l’isolement. Surtout, la copropriété se situe au cœur d’un voisinage et d’un environnement de vie stimulants (gardien éventuel, possibles commerces en rez-de-chaussée, jardins partagés, etc.).

 

B.- Vivre dans une copropriété accessible représente un investissement sur l’avenir

Le logement des personnes âgées et l’aménagement des parties communes de la copropriété sont trop souvent éloignés de la prise en compte de leurs besoins. De l’avis de plusieurs syndics, les travaux d’adaptation de la copropriété au vieillissement de ses résidents sont encore rares, parfois menés tardivement, une fois les premières chutes arrivées. Ces travaux concernent principalement les rampes d’accès de halls et les cabines d’ascenseurs.
Le rapport Libault indique, par ailleurs, que seuls 6 % des logements sont adaptés à la dépendance (étude de l’Agence nationale de l’habitat, ou ANAH, datant de 2013). Comparé aux pays d’Europe du Nord, la France fait figure de mauvais élève (16 % des logements sont adaptés aux Pays-Bas par exemple).

Pourtant, les récentes évolutions législatives traduisent l’ambition de notre pays d’encourager le maintien à domicile des personnes âgées, non seulement dans le neuf, mais également dans l’ancien. Le temps est donc venu de se saisir des nouveaux dispositifs mis en place ou en cours de déploiement.

 

De l’accessibilité universelle aux logements évolutifs dans le neuf

 

A.- Une obligation de produire des logements évolutifs

Il est nécessaire aujourd’hui de penser le logement autrement, en vue d’accompagner les besoins de ses occupants tout au long de la vie. Pour répondre à cet enjeu, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite “loi ELAN”, a introduit pour les bâtiments d’habitation collectifs la possibilité de construire des logements « évolutifs» (ou réversibles), accessibles en grande partie et pouvant être rendus totalement accessibles par des travaux assez simples.

L’article 64 de la loi ELAN pose ainsi un taux minimum de 20 % de logements accessibles aux personnes en situation de handicap dans la construction neuve, les 80 % autres devant être « évolutifs». Auparavant, la loi handicap de 2005 imposait que la totalité des logements neufs soit accessible.

Un logement évolutif est celui dans lequel une personne en situation de handicap doit pouvoir accéder, se rendre dans le séjour, les toilettes, puis en ressortir. C’est aussi un logement dans lequel la mise en accessibilité des pièces est réalisable ultérieurement par le biais de « travaux simples» dont la nature et les conditions de réalisation seront précisées très prochainement par voie réglementaire.

 

B.- Des ascenseurs obligatoires dès trois étages

Pour répondre aux inquiétudes des associations de défense des personnes en situation de handicap face à l’abaissement de 100 % à 20 % de la part des logements accessibles dans les programmes neufs, un décret du 11 avril 2019 rend obligatoire l’installation d’un ascenseur dans les immeubles d’au moins trois étages, au lieu de quatre jusqu’ici (nouvel article R. 111-5 du Code de la construction et de l’habitation). Cette exigence s’applique aux demandes de permis de construire déposées à compter du 1er octobre 2019.

 

 C.- Du nouveau dans les travaux d’adaptation du logement aux frais du locataire

Le décret du 11 avril 2019 met en œuvre une autre disposition de la loi ELAN concernant l’adaptation des logements loués. Désormais, l’absence de réponse du bailleur à la demande d’un locataire de réaliser des travaux de transformation permettant l’adaptation du logement au handicap ou à la perte d’autonomie, à ses frais, vaut décision d’acceptation dans un délai de deux mois (au lieu de quatre mois). Il peut s’agir, par exemple, de travaux tendant à l’aménagement des pièces d’eau : cuisine, toilettes ou salle d’eau (barres d’appui, siège de douche, élévateur pour le bain, etc.).

Pour mémoire, les travaux permettant d’adapter le logement aux besoins de son occupant handicapé ou en perte d’autonomie, qui sont réalisés aux frais du locataire, n’ont plus besoin de l’accord expresse du bailleur depuis 2016, à la suite de la loi du 28 décembre 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement et de son décret.

 

Textes officiels

 - Question n° 08376 de Maryvonne Blondin, publiée dans le JO Sénat du 27/12/2018, et réponse du ministère de la Cohésion des territoires, publiée dans le JO Sénat du 11/07/2019, page 3 740 ;
- Décret n° 2019-629 du 24 juin 2019 relatif aux diverses dispositions en matière d’habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées ;
- Décret n° 2019-305 du 11 avril 2019 modifiant les dispositions du Code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité des bâtiments d’habitation ;
- Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ;
- Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

 

La réalisation des travaux d’accessibilité dans les parties communes bientôt facilitée

 

A.- Travaux d’accessibilité en copropriété : un vote à la majorité de l’article 24

Contrairement aux immeubles neufs qui intègrent obligatoirement les normes d’accessibilité dès lors que le permis de construire a été déposé depuis le 1er janvier 2007, aucun texte n’impose à la copropriété de mettre aux normes d’accessibilité les parties communes des immeubles anciens ne comportant que des logements.

Les copropriétaires souhaitant réaliser ces travaux, pour eux-mêmes ou pour leurs locataires, doivent dès lors soumettre leur proposition à l’autorisation de l’assemblée générale. Cela, même lorsque certains copropriétaires se proposent de réaliser à leurs frais ces travaux d’accessibilité.

S’agissant des règles de vote en assemblée générale, la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés suffit pour effectuer les travaux de mise en accessibilité des parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, sous réserve qu’ils n’affectent pas la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels (art. 24, loi du 10 juillet 1965). Cette autorisation octroyée à la majorité simple, constitue une dérogation à la règle selon laquelle l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer des travaux affectant les parties communes est adoptée à la majorité des voix de tous les copropriétaires.

Malgré ce régime dérogatoire mis en place pour faciliter la réalisation de travaux d’accessibilité, les refus en assemblée générale d’autoriser ces travaux, comme l’installation d’un monte-escalier dans un immeuble ne disposant pas d’un ascenseur, demeurent fréquents. L’atteinte à l’esthétique de l’immeuble ou la dépense occasionnée par ce type de travaux pour l’ensemble des copropriétaires est souvent opposée.

Pourtant, l’ANAH peut accorder des aides financières à un syndicat de copropriétaires pour certains aménagements d’accessibilité sur les parties communes de copropriété. En revanche, la prestation de compensation du handicap (PCH) ne peut pas être attribuée pour des modifications des parties communes d’une copropriété, même si elles sont liées au handicap d’un de ses occupants.


B.- Vers un droit à réaliser des travaux d’accessibilité dans les parties communes

Une récente réponse ministérielle nous apprend que dans le cadre de l’habilitation à réformer le droit de la copropriété par voie d’ordonnance prévue à l’article 215 de la loi ELAN, le gouvernement envisage une évolution substantielle des dispositions de la loi de 1965 visant à faciliter les travaux d’accessibilité.

Sont actuellement étudiées les conditions dans lesquelles tout copropriétaire pourrait bénéficier d’un droit de réaliser des travaux d’accessibilité affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, sauf opposition de l’assemblée générale. Autrement dit, il est envisagé d’inverser le processus juridique : l’autorisation serait de droit.

Ce nouveau régime devrait prospérer dans l’hypothèse où c’est le copropriétaire demandeur qui assume financièrement les travaux d’accessibilité ; mais quid si c’est la copropriété qui doit payer ? Pour Michèle Raunet, notaire associé, au sein de l’étude Cheuvreux, il faudrait peut-être envisager une prise en charge obligatoire de ces travaux par la copropriété, car «le vieillissement est un véritable sujet d’intérêt général, au même titre que les enjeux de la transition énergétique». Si les copropriétés doivent rendre leur immeuble économe en énergie, elles sont également tenues de rendre leur immeuble adapté aux besoins de leurs ainés.

 

Le développement de nouvelles formes d’habitat

 

A.- Une définition légale et un soutien financier pour l’habitat inclusif

De nouvelles formes d’habitat pour les personnes âgées émergent. Elles apportent une réponse novatrice, complémentaire, un chaînon manquant entre le logement totalement autonome et l’hébergement en institution. L’habitat inclusif y figure en bonne place. Il se distingue des autres types d’habitat intermédiaire, comme les résidences services seniors, par la taille des projets et par la prise d’initiative.

Il s’agit généralement de petits ensembles de logements indépendants associés à des espaces communs, qui permettent de combiner vie autonome et sécurisation de l’environnement. Ils réunissent des personnes souhaitant s’intégrer dans un projet de vie spécifique. Parmi les nombreuses initiatives destinées aux personnes âgées, on peut citer le projet du pôle intergénérationnel du cloître des Capucins à Tours mené par l’association Habitat et Humanisme. Les projets peuvent également être portés par les collectivités.

Les pouvoirs publics soutiennent aujourd’hui cette démarche originale par l’inscription de l’habitat inclusif dans la loi ELAN. L’habitat inclusif est désormais doté d’une définition : il est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes. Ce mode d’habitat est assorti d’un projet de vie sociale et partagée dans le cadre d’un accompagnement social et médico-social garantissant l’autonomie de vie.

Un décret du 24 juin 2019 définit les obligations relatives à la personne morale chargée d’assurer le projet de vie sociale et partagée de l’habitat inclusif et fixe le montant, les modalités et les conditions de versement du forfait pour l’habitat inclusif, créé par la loi ELAN. Le montant individuel, identique pour chaque habitant, est compris entre 3 000 € et 8 000 € par an et par habitant. Ce montant est modulé par l’agence régionale de santé selon l’intensité du projet.


B.- L’habitat intergénérationnel

Séduisant dans son principe, tant pour rompre l’isolement des personnes âgées que pour faciliter le logement des jeunes, l’habitat intergénérationnel peine à décoller. La loi ELAN tente d’y remédier en créant un contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire qui offre la possibilité pour des jeunes de moins de 30 ans de pouvoir être logés chez des personnes âgées de 60 ans et plus, dans les logements dont elles sont propriétaires ou locataires.

La durée de la cohabitation et la contrepartie, notamment financière, sont librement convenues entre les parties dans le cadre de ce contrat. Lorsque l’une des deux parties décide de mettre fin au contrat, le délai de préavis applicable est d’un mois.

Une charte de la cohabitation intergénérationnelle solidaire, définie par arrêté, doit préciser le cadre général et les modalités pratiques de cette cohabitation.

 

Source : par Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, journaliste le 03 octobre 2019.

 

Philippe BERNARD (MRICS)

Directeur Général

SOPREGI-SOPREGIM